Claire Thibault, infirmière à la retraite
Nicole Ricard, infirmière à la retraite
Johanne Goudreau, infirmière
La publication du taux très élevé d’échecs à l’examen d’entrée pour le droit de pratique à la profession infirmière de septembre 2022 a semé la consternation chez les candidat(e)s à l’exercice, au sein du système de santé et dans la population en général. C’est une mauvaise nouvelle, en particulier dans le contexte actuel où les infirmières et infirmiers crient au secours presque quotidiennement sur la place publique.
Ces résultats ont soulevé plusieurs questions. Une enquête rigoureuse est actuellement menée par le Commissaire à l’admission aux professions dont les résultats sont à venir. Malgré cette enquête en cours, certaines hypothèses ont été présentées par différents organes de communication pour répondre aux questions soulevées. On a parlé d’un effet de la pandémie sur la formation des candidat(e)s. On a aussi avancé que l’examen pourrait comporter des failles méthodologiques, à savoir des erreurs dans la construction ou dans l’évaluation des questions. Certains propos publiés sont allés jusqu’à suggérer que l’Ordre des infirmières et des infirmiers du Québec (OIIQ), responsable de cet examen, aurait pu biaiser l’examen en faveur de la formation universitaire. Notre groupe[i] (Groupe de Concertation et d’Influence en Soins Infirmiers du Québec, GCISIQ) invite à la prudence quant à ces hypothèses qui ne sont fondées sur aucunes données, mais qui, à force d’être répétées, pourraient se transformer en vérité surtout quand on est à la cherche des réponses toutes faites.
En attendant les résultats de l’enquête en cours, notre groupe (GCISIQ) s’est interrogé sur le processus même de l’examen. Rappelons que cet examen vise à déterminer l’aptitude à exercer des diplômé(e)s candidat(e)s à la profession pour s’assurer de leur capacité à prodiguer des soins sécuritaires. Selon les informations disponibles, le « comité de l’examen » est composé de cinq (5) personnes : un (1) professeur de CEGEP, un (1) professeur d’université, deux (2) infirmières cliniciennes pratiquant en milieu clinique et un représentant de l’OIIQ. Ce comité est entièrement responsable de l’ensemble du processus de l’examen. Il s’assure notamment de la composition et du fonctionnement des cinq groupes d’experts en soins infirmiers : médecine, chirurgie, santé mentale, gérontologie et santé maternelle et infantile, soit les domaines étudiés dans les programmes collégiaux. Les domaines de la santé communautaire et des soins critiques ne sont pas évalués dans cet examen puisqu’au Québec, ils ne sont étudiés que dans les programmes universitaires. Une description des connaissances et des compétences cliniques de l’infirmière, appelée « mosaïque des compétences » sert de cadre pour guider la formulation des questions. Cette mosaïque est disponible sur le site de l’OIIQ.
Les experts de chaque domaine sont autant des formateurs que des cliniciens reconnus dans leurs domaines respectifs. Environ 40, ces experts sont originaires de plusieurs régions du Québec et ils acceptent de suivre une formation sur la construction de l’examen, la formulation de questions rigoureuses et l’établissement de la note de passage. Chacun est nommé pour un mandat de trois ans renouvelable une fois et ils sont remplacés à tour de rôle pour assurer la continuité de l’expertise. Les experts choisissent les questions à partir d’une banque de questions précédentes (1130 questions) et ils composent des nouvelles questions. Chaque examen comprend des questions de la banque (70 à 75%) et des nouvelles questions (25 à 30%). Toutes les questions sont reliées à situations fictives de soins qui sont présentées dans l’examen et qui font appel à des connaissances scientifiques spécifiques ainsi qu’aux processus de soins infirmiers nécessaires pour évaluer la situation, intervenir adéquatement en fonction du contexte et assurer la continuité des soins. En cas de dissension ou de doute entre les experts quant à l’inclusion d’une question, ceux-ci se posent la question suivante : Est-ce que cette question est nécessaire pour protéger le public? Toutes les questions font l’objet d’une analyse rigoureuse au plan de leurs qualités psychométriques. Cette analyse est soutenue par un psychométricien expert qui signale toute anomalie le cas échéant. Enfin, pendant l’examen, chaque candidat(e) peut utiliser un carton rose servant à informer le comité de l’examen quant aux difficultés rencontrées avec les questions ou expressions difficiles à comprendre. Ces « cartons roses » sont utilisés dans l’analyse des qualités psychométriques des questions.
L’attribution des notes est basée sur une méthode reconnue internationalement (méthode Angoff) qui ne s’appuie pas sur le rendement du groupe mais plutôt sur le contenu de l’examen. Ainsi la réussite ou l’échec ne dépendent pas de la moyenne du groupe des candidat(e)s qui font l’examen. Il n’y a pas de normalisation des notes. Cette méthode d’évaluation vise à établir l’aptitude à exercer pour qu’une infirmière offre des soins sécuritaires dès sa première journée de pratique.
La préparation à l’examen est nécessairement la responsabilité de chaque candidat(e) et de chaque milieu de formation. Un guide de préparation à l’examen est disponible et la manière de l’utiliser y est décrite. Il précise comment aborder chaque situation clinique. L’OIIQ offre aussi une rétroaction aux candidat(e)s et aux professeurs après les examens où sont précisées les difficultés démontrées par les candidat(e)s.
Toutes ces clarifications en regard de l’examen d’entrée pour le droit de pratique infirmière sont essentielles et permettent, à notre avis, de croire qu’un processus rigoureux est en place pour s’assurer que les candidat(e)s à la profession démontrent leur aptitude à prodiguer des soins sécuritaires à la population.
*Cosignataires du GCISIQ
Francine Ducharme, infirmière, France Choquette, infirmière, Marcela Ferrada, infirmière, Lisettte Gagnon, était infirmière, Laurie Gottlieb, infirmière, Sylvie Lafrenière, infirmière, Gratienne Lamarche, était infirmière, Patty O’ Connord, infirmière, Carmen Millard, infirmière retraitée, Lise Montagne, était infirmière, Jeannine Pelland, infirmière à la retraite, Hélène Racine, infirmière, Micheline Ulrich, infirmière.
[i] Groupe de concertation et d’influence en soins infirmiers du Québec (GCISIQ) : La mission est d’influencer pour améliorer la qualité et la sécurité des soins infirmiers pour la santé des Québécois(es).